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Port-Royal. Tandis que Nicole et Lancelot étaient des hommes « gris », Antoine Lemaître était un homme brillant, un pénitent plein de verve et d’éclat, le chef des solitaires. Il avait de la véhémence, de la chaleur, de l’imagination et du geste. Il gardait, dans son renoncement, l’amour de la littérature. Du fond de sa solitude, il avait publié lui-même ses plaidoyers[1], monuments de sa gloire profane, en ayant seulement soin d’y rajouter des passages édifiants. Il avait traduit, en les expurgeant pour les élèves de Port-Royal, les comédies de Térence.

Antoine Lemaître prit très fort en amitié Racine adolescent. Il voulait faire de lui un avocat. On connaît la lettre charmante où il recommande au « petit Racine » de bien soigner pendant son absence ses onze volumes de saint Chrysostome et de les défendre contre les rats, et où il l’appelle son fils et lui dit : « Aimez toujours votre papa comme il vous aime. »

Il fut spécialement le professeur de rhétorique de Jean Racine. Ce fut sûrement lui qui communiqua à l’enfant la flamme littéraire. Et ce n’est pas tout : Antoine Lemaître avait une belle voix et un débit savant. Il donna à Racine d’excellentes leçons de diction, — que Racine répéta plus tard à mademoiselle du Parc et à mademoiselle Champmeslé.

  1. Mais ce fut malgré lui et pour arrêter les contrefaçons. (A. Gazier.)