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Bien entendu, je n’indique ici qu’une nuance, car, tout en goûtant et conservant la belle couleur mythologique de l’Iphigénie d’Euripide, il n’en retient pas plus d’une soixantaine de vers ; et il introduit dans la fable le plus qu’il peut de « bienséance » (par la suppression du rôle un peu choquant de Ménélas, l’oncle inhumain) et le plus qu’il peut de « raison » (par la substitution finale d’Ériphile à Iphigénie).

Il se félicite extrêmement, dans sa préface, de l’invention, fort ingénieuse en effet, de ce personnage d’Ériphile :

Quelle apparence, dit-il, que j’eusse souillé la scène par le meurtre horrible d’une personne aussi vertueuse et aussi aimable qu’il fallait représenter Iphigénie ? Et quelle apparence encore de dénouer ma tragédie par le secours d’une déesse et d’une machine, et par une métamorphose qui pouvait trouver quelque créance du temps d’Euripide, mais qui serait trop absurde et trop incroyable parmi nous.

Et plus loin il parle du plaisir qu’il a fait au spectateur « en sauvant Iphigénie par une autre voie que par un miracle que le spectateur n’aurait pu souffrir, parce qu’il ne saurait jamais le croire » .

Voilà, soit dit en passant, un bien bel exemple du choix totalement arbitraire que, tous, nous faisons souvent, sans nous en douter, dans l’ « incroyable » . D’après Racine lui-même, il est « incroyable et absurde » qu’une jeune fille soit changée en biche ou enlevée par une déesse :