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temps-là ? Je crois que tout simplement il s’est replongé avec délices dans le théâtre grec, et qu’il a dû, avant d’écrire Iphigénie en Aulide, tenter quelques autres sujets. C’est probablement en ce temps-là qu’il songe à cette Iphigénie en Tauride dont nous avons le plan du premier acte, et à cette Alceste que, d’après une tradition, il aurait composée entièrement et, plus tard, brûlée par scrupule.

Remarquez ceci. Les autres pièces grecques de Racine, la Thébaïde (sauf l’oracle et le bref sacrifice de Ménécée) et Andromaque, sont sans « merveilleux » . (Et encore plus les tragédies empruntées à l’histoire, Britannicus, Bérénice, Bajazet, Mithridate.) Mais Alceste, Iphigénie en Tauride, Iphigénie en Aulide, le merveilleux y abonde. Ce sont d’admirables légendes tragiques, oui, mais poétiques aussi. Il y a, dans les deux Iphigénie, oracles, prodiges, sacrifices humains, dans Alceste intervention d’un demi-dieu et résurrection ; et, dans les trois légendes, une mythologie luxuriante. Il semble qu’après Mithridate, Racine, repris par les Grecs, libre de suivre ses prédilections jusqu’au bout, ait été plus sensible à la poésie proprement dite, épique, lyrique ou descriptive, et disposé à en mettre davantage dans ses pièces. (Cela se marquera surtout dans Phèdre.) Il n’est pas moins tragique : il est peut-être plus « artiste » comme nous disons, plus curieux de beauté plastique et de pittoresque.