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Et d’une troisième façon encore Racine pense à Corneille, — pour faire le contraire de ce que Corneille a fait. Aux Cornélie, aux Viriathe, aux Sophonisbe, aux Pulchérie, aux orgueilleuses et aux déclamatrices, il oppose les pudiques : Andromaque déjà, et Junie, et Bérénice, et Atalide, — mais surtout Monime : Monime, qui nous offre, pour ainsi dire, le sublime de la décence, et à la fois de la fierté intérieure et de la modestie et de la « tenue » ; Monime, fine Grecque parmi ces demi-barbares ; aimée de Mithridate et son épouse de nom en attendant qu’il ait le loisir de célébrer et de consommer le mariage ; aimée en même temps des deux fils du vieux roi et aimant secrètement l’un d’eux ; et qui, — les choses se compliquant encore par la fausse mort et la résurrection du vieux tyran, — se trouve, d’un bout à l’autre du drame, dans la situation la plus difficile, la plus comprimée, la plus délicate, — la plus fausse, — et qui semble la porter légèrement à force de franchise et de grâce, et de respect de soi, et d’héroïsme sans gestes : admirable de « tenue » (il faut répéter le mot, qui implique dignité et silencieux empire sur soi-même) depuis son exquise entrée au premier acte et sa douce requête à Xipharès :

Seigneur, je viens à vous : car enfin aujourd’hui Si vous m’abandonnez, quel sera mon appui ?

jusqu’à ses divins adieux à sa servante grecque,