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À force de vieillir un auteur perd son rang : On croit ses vers glacés par la froideur du sang ; Leur dureté rebute, et leur poids incommode Et la seule tendresse est toujours à la mode ! »

Il ne veut point convenir, d’ailleurs, qu’il y a autre chose que de la tendresse dans Racine. Racine l’irrite, le scandalise, — et l’attire. S’il pouvait, lui aussi, ou s’il voulait ! … De ce trouble, je pense, naîtra Suréna, au lendemain du triomphe royal d’Iphigénie. On peut, sans y mettre trop de complaisance, distinguer comme un reflet racinien sur la dernière tragédie de Corneille. Il y a, du reste, quelque analogie de situation entre Suréna, qui est de 1674, et Bajazet, qui est de 1672. Même, la pauvre Eurydice, moins nerveuse et moins douloureuse, est en réalité plus faible qu’Atalide. Eurydice sait qu’il dépend d’elle de sauver la vie de son amant Suréna, en lui commandant d’épouser Mandane, fille du roi Orode, lequel s’est mis en tête de faire Suréna son gendre pour s’assurer la fidélité d’un serviteur trop puissant. Mais Eurydice— contrairement à l’habitude des héroïnes de Corneille dans la moitié de ses tragédies— n’a pas le courage de donner son amant à une autre femme. Ses incertitudes remplissent trois actes ; et, quand elle se décide, il est trop tard : Suréna vient d’être assassiné par l’ordre du roi. Nous voyons ici une héroïne de Corneille qui n’est plus cornélienne qu’en discours. Que dis-je ! la forme elle-même s’attendrit en plus