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étaient pas littéralement.) Nicole était un écrivain lent, mais un moraliste très fin. C’est lui dont madame de Sévigné aurait voulu boire en bouillon les Essais de morale. Ajoutez qu’il était de visage agréable, d’excellente société, qu’il avait tout lu, même les romans, et qu’il racontait très bien l’anecdote.

Je ne vois pas en quoi cet aimable homme a mis sa marque sur Racine. Mais je crois qu’il lui apprit très bien le latin[1].

Le second maître de Racine, Lancelot, était un homme qui avait la rare manie de l’effacement, de la subordination, de l’humilité. Il demeura sous-diacre, parce qu’il ne se sentait pas digne d’être prêtre. Il se complaisait dans les offices inférieurs. Type de vieil enfant de chœur, d’acolyte, de sacristain volontaire. Avant la dispersion des « petites écoles », il était le professeur des tout jeunes enfants.

Mais cet homme effacé avait l’âme la plus ardente. Pendant dix ans, il avait vécu d’un désir : celui de rencontrer M. de Saint-Cyran. Il avait le don des larmes. Et, quand il fut entré à Port-Royal, il eut aussi le don du rire, — d’un rire qui n’avait rien du tout de profane.

L’abondance des grâces dont il plaisait à Dieu de me combler, écrit-il, et la paix dont il me remplissait

  1. Quoique Nicole, de 1655 à 1658, n’ait point séjourné à Port-Royal d’une façon suivie, il s’en faut de beaucoup. (Cf. I. Carré, La Pédagogie de Port-Royal, p. 267.)