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racinienne des tragédies de Racine parce qu’elle en est la plus tendre, Bajazet est la plus racinienne des tragédies de Racine parce qu’elle en est la plus féroce, et que nulle n’offrit jamais (avec un tel entrecroisement de duplicités) un plus épouvantable jeu de l’amour et de la mort.

Mais, comme j’ai dit, le mot d’ordre était donné : il était convenu que la pièce (défaut impardonnable ! ) n’était pas turque. Apparemment la Sultane de Gabriel Bonnyn (1561), le grand et dernier Soliman de Mairet (1639), le Soliman de Dalibray (1637), la Roxelane de Desmares (1643), le Grand Tamerlan et Bajazet de Magnon, et l’Osman de Tristan l’Hermite (1656) l’étaient davantage ? Le ridicule Robinet, ami de Molière, s’égaya sur le peu de turquerie de Bajazet. Donneau de Visé, autre ami de Molière, découvrit dans des livres, tels que les Voyages du sieur Le Loir contenus en plusieurs lettres écrites du Levant ou l’Abrégé de l’histoire des Turcs de Du Verdier, que la tragédie de Racine était pleine d’erreurs, qu’Amurat s’était défait de Bajazet en même temps que de son frère Orcan, et que Roxane avait été avec Amurat au siège de Bagdad. Et la grosse Sévigné, après avoir assez vivement admiré Bajazet, n’osa plus le faire quand son odieuse fille l’en eut réprimandée.

Racine, cette fois, ne répliqua ni ne discuta. Il répondit froidement dans sa première préface :

C’est une aventure arrivée dans le sérail. Je la tiens du chevalier de Nantouillet, qui la tenait du