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nous dît mieux, — oh ! tout simplement dans quelque monologue, — à quel point il souffre des hontes et des abaissements qu’un devoir supérieur lui impose. On verrait tout de suite sous un autre jour ce personnage calomnié.

Dans ce drame où tout le monde ment, la petite princesse Atalide est encore celle qui ment le plus. Mais, outre qu’elle a la même excuse que Bajazet, on lui en veut moins parce qu’elle est femme. Je crois bien, d’ailleurs, que nul ne souffre plus qu’elle : elle a constamment le cœur dans un étau. Songez à ce que doivent être les sentiments d’une femme amoureuse qui s’entremet, pour son amant, auprès d’une autre femme, et le lui vante, et le lui offre, et le lui envoie ; songez quel horrible effort, et quelles craintes, quels soupçons, quelle jalousie ! La scène où elle supplie son amant de se prêter à ce jeu et, tout de suite après, celle où elle croit qu’il s’y est trop prêté, sont d’une vérité particulièrement poignante. Avec cela, elle est délicieuse. Racine a voulu l’opposer fortement à l’esclave Roxane. Elle est comme la sœur-fiancée de Bajazet ; ils ont été élevés ensemble dans un coin du sérail, tels que deux colombes dans une cour de mosquée. Cette petite princesse qui ment si bien, qui défend son amant avec tant d’énergie et qui, enfin, le perd parce qu’elle l’aime trop, a pourtant des grâces réservées et chastes de religieuse égarée dans un harem.


En résumé, de même que Bérénice est la plus