pas de son âme qu’elle est éprise. Les sentiments de Roxane sont simples ; elle est naïve et terrible. Elle a cru, sur les rapports d’Atalide et sur quelques faibles apparences, à l’amour de Bajazet. Lorsqu’elle soupçonne qu’elle s’est trompée, elle éclate en transports sauvages ; et ce qu’elle trouve de mieux pour persuader et attendrir l’homme qu’elle aime, c’est de lui dire : « Prends garde ! ta vie est entre mes mains. Si tu ne m’aimes, je te tue ! » Mais elle espère encore, et c’est pourquoi elle l’épargne. Quand elle ne peut plus douter, quand elle sait qu’il aime Atalide et que tous deux la trompaient, elle lui fait cette étonnante proposition : « Je vais faire étrangler ma rivale sous tes yeux. Au reste, je ne te demande pas de m’aimer tout de suite :
Viens m’engager ta foi : le temps fera le reste. »
C’est dire qu’elle n’en veut qu’à son corps. (Mais sur quelles étranges caresses compte-t-elle donc pour s’emparer de lui ? ) Il refuse. Alors, qu’il meure ! Au moins, personne ne l’aura ! Et elle jette son terrible : « Sortez ! »
Roxane est un des animaux les plus effrénés qu’on ait mis sur la scène. Elle est la plus élémentaire et la plus brutale des quatre amoureuses meurtrières de Racine.
Bajazet et Atalide, complexes, d’une humanité plus épurée, plus tendre, je dirai : « plus chrétienne », font avec la sultane un contraste intéressant.