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humaine se retrouvera dans ses tragédies ; elle le fera véridique et hardi dans ses peintures de l’homme. Et, à cause de Port-Royal, je le crois, jamais (sauf dans l’Alexandre) il ne donnera dans l’optimisme romanesque des deux Corneille et de Quinault. En attendant, Jean Racine est un enfant très bien doué et très sensible, un enfant privilégié, élevé dans le sanctuaire de la piété, et qui reçoit l’empreinte chrétienne à une profondeur dont il ne s’apercevra lui-même que plus tard.

Ses professeurs sont Nicole, Lancelot, Antoine Lemaître, Hamon ; et, comme je l’ai dit, il les a pour lui tout seul.

Louis Veuillot dit de Nicole : « Nicole, ce moraliste de Port-Royal, le plus froid, le plus gris, le plus plomb, le plus insupportable des ennuyeux de cette grande maison ennuyée. » Veuillot est bien sévère. Ce qui est vrai, c’est que Nicole semble un peu effacé parce qu’il nous apparaît toujours comme le reflet d’Arnault. Il reste toute sa vie clerc tonsuré. Cette nuance lui convient. C’est un second rôle. C’est l’esprit modéré de Port-Royal. Il atténue le jansénisme. C’est lui qui inventa la fameuse distinction « du droit et du fait » et qui imagina de dire : « Nous condamnons les cinq propositions qu’on dit extraites de Jansénius ; mais nous nions qu’elles y soient : qu’on nous les y montre. » (Et en effet elles n’y