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et de « perfidie » et sa Bérénice de « bassesse d’âme » . Et, au XVIIIe siècle, tout le monde répète que Bérénice, c’est très joli sans doute, mais que ce n’est pas une tragédie, que ce serait plutôt une élégie, — comme si cela faisait quelque chose que ce soit ou non une tragédie !


Et le Tite et Bérénice de Corneille ? C’est à peu près le contraire de la Bérénice de Racine.

Embarrassé par la simplicité du sujet, Corneille le complique, d’ailleurs ingénieusement. Il suppose que Titus devait épouser Domitie, mais que, tandis que Titus aime Bérénice, Domitie de son côté aime Domitian. Il s’agit donc, pour Domitie et Domitian, d’amener Titus à épouser quand même Bérénice et le Sénat à l’y autoriser. Et donc, tout en travaillant secrètement le Sénat dans cette pensée, Domitian feint d’aimer lui-même Bérénice, afin d’exciter la jalousie de Titus, et pour que cette jalousie le décide à prendre pour femme la belle étrangère. Il suit de là que Domitian et Domitie tiennent une place considérable dans la pièce et relèguent presque Titus et Bérénice au second plan. L’intrigue et les sentiments sont d’une comédie galante.

Autre particularité : c’est Bérénice qui a l’air d’être un homme, comme la plupart des héroïnes de Corneille ; et c’est Tite qui parle et agit en femme. Après que le Sénat a donné licence à l’empereur d’épouser Bérénice : « C’est, dit-elle,