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« C’est sans doute, songe-t-elle, qu’il pleure toujours son père ; ou peut-être a-t-il su l’amour d’Antiochus et s’en est-il offensé ? » Mais la blessure est faite, et la malheureuse ne croit déjà plus ce qu’elle dit.

Au troisième acte, Antiochus s’acquitte de son triste message auprès de Bérénice. Admirable scène ; tous deux souffrent tant ! Il a bien, lui, au fond du cœur, un peu d’espoir honteux et inavoué : mais il souffre, premièrement, de faire souffrir celle qu’il aime, et secondement, de savoir que, si elle souffre, c’est qu’elle aime un autre que lui. Et quant à elle… Ah ! quelle angoisse d’abord ! Puis, quand elle a reçu le coup, le beau cri ! Toute sa colère se porte naturellement sur le mauvais messager. Elle lui défend de jamais reparaître devant ses yeux… Mais déjà elle sent bien qu’il ne mentait pas.

Au quatrième acte, la « scène à faire » . J’en connais peu qui contiennent autant de douleur humaine. Des pleurs, si brûlants ! des plaintes, si mélodieuses et si douces ! des cris, si profonds ! Il est, lui, torturé d’être une victime qui paraît un bourreau, et d’être obligé de dire des choses qui sont raisonnables et qui semblent atroces. Bérénice s’est retirée, défaillante, dans sa chambre. Presque en même temps, on vient dire à l’empereur qu’elle est mourante et l’appelle— et que le Sénat est réuni et l’attend. Le moment est solennel et souverainement tragique. Il faut opter… Titus se rend au Sénat.