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Titus ne s’est pas encore expliqué. » Mais Bérénice ne veut rien entendre, et nous la plaignons, pauvre petite, d’être si confiante et si gaie. Et c’est le premier acte.

À l’acte suivant, dans l’entretien de Titus et de son confident Paulin, Racine nous expose avec une force et une précision extrêmes les raisons accablantes qu’a le nouveau César de sacrifier Bérénice et de se sacrifier lui-même. Il s’agit de choisir entre une femme et l’empire du monde. L’ « obstacle », ici, est donc absolu, en dehors de toute discussion. L’intérêt de Titus, s’il y pouvait songer, se confond avec le premier de ses devoirs. Ce devoir est un peu plus fort, il en faut convenir, que celui qui peut arracher des bras d’une grisette un étudiant que sa famille veut marier et établir, plus fort même que le devoir au nom duquel le père Duval sépare Armand de Marguerite. Quoi qu’elle pense ou croie penser dans le moment, Bérénice elle-même, dans six mois, ou dans un an, ou dans dix ans, mésestimerait Titus d’avoir lâché Rome pour elle. Tout le long du drame vous entendrez ce nom de Rome sonner au commencement des vers ou à la rime inexorablement. Il le fallait pour que Titus échappât à l’odieux. Titus n’est pas libre, et nous savons dès maintenant ce qu’il ne fera pas. Reste à savoir ce qu’il souffrira.

Il vient, il veut parler, et n’en a pas le courage. Il fuit sans avoir rien dit. C’est très simple, et si douloureux ! Bérénice ne veut pas comprendre.