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Racine est sans respect ni charité, comme Corneille avait été sans justice. Il ne faut ni s’en étonner ni s’en indigner. Outre que leurs deux génies étaient foncièrement antipathiques l’un à l’autre, la plus grande souffrance de Corneille, c’était la gloire naissante de Racine, comme le grand agacement de Racine était l’éternelle obstruction qu’on voulait lui faire avec l’œuvre et la gloire de Corneille.

Faiblesses misérables, auxquelles on n’échappe point, et qu’on ne regrette qu’à la mort, ou lorsque tout vous quitte ! Il eût cependant été bien que l’ardent jeune homme comprît et respectât la tristesse de l’aventure de Corneille se survivant à lui-même avec un entêtement morose, se traînant dans des ouvrages monotones et malheureux où s’exagéraient toutes ses vieilles manies, et n’ayant plus pour lui que les vieux messieurs et les femmes mûres, ceux et celles du temps de Louis XIII et de la Fronde ; alors que lui, Jean Racine, avait la jeunesse, la force, et l’avenir, et les nouvelles générations, — et le roi.

Car le roi fit pour Britannicus ce qu’il avait fait pour les Plaideurs. Il se déclara hautement pour la pièce ; et toute la cour après lui : si bien que Britannicus, tombé d’abord à Paris, y fut repris peu après avec un succès assez vif.

Le roi fit plus. Frappé de ces vers du quatrième acte :

Pour toute ambition, pour vertu singulière,
Il excelle à conduire un char dans la carrière,
À disputer des prix indignes de ses mains,
À se donner lui-même en spectacle aux Romains, etc.