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n’avoir pas mis en scène le dîner où Britannicus est empoisonné ! Notez que Racine l’eût pu faire sans manquer gravement à la règle de l’unité de lieu. Mais il ne l’a pas fait, d’abord, si vous voulez, parce que la scène n’était pas assez grande, étant rétrécie, comme vous savez, par des banquettes où venaient s’asseoir des jeunes gens à la mode ; mais surtout il ne l’a pas fait par bon jugement, je pense, et parce qu’il savait que la réalisation, forcément sommaire et grossière, d’une scène de ce genre, eût été un peu ridicule. L’assassinat, invisible et proche, annoncé par un tumulte, et par la fuite de Burrhus éperdu, puis raconté dans un rapide détail, nous est assurément plus présent que si nous l’avions sous les yeux. Et quels figurants, par exemple, eussent bien rendu l’attitude marquée par ces deux vers :

Mais ceux qui de la cour ont un plus long usage Sur les yeux de César composent leur visage ?

Je crois, d’ailleurs, qu’en général, les gênes soit des trois unités, soit de l’étroitesse des planches, si elles ont imposé à notre tragédie quelques artifices un peu froids, lui ont épargné beaucoup plus de sottises.

Or, cette forte et sombre tragédie de Britannicus— qu’une formule scolaire, qui vient de Voltaire, a qualifiée de « pièce des connaisseurs » — n’eut absolument aucun succès.