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le théâtre romantique[1]. C’est un peu mieux présenté chez les maîtres : mais c’est bien ça, ou ce n’est guère autre chose. C’est comme si les personnages, atteints d’une manie spéciale, éprouvaient, à certains moments, le besoin irrésistible de nommer et de se décrire les uns aux autres les objets de l’usage le plus familier, et des choses auxquelles personne ne fait plus attention dans la vie réelle : tels les petits enfants, lorsqu’ils commencent à parler, prennent plaisir à nommer par leurs noms, avec émerveillement, les ustensiles dont ils se servent. Oui, on dirait parfois que les personnages du drame romantique découvrent, stupéfaits et charmés, la civilisation où ils vivent… Et la conclusion, c’est qu’à cet égard comme à beaucoup d’autres, la tragédie classique, en s’abstenant presque totalement de cette fameuse « couleur locale », est beaucoup moins loin de la vérité…

Et comme aussi je sais gré à Racine de s’être abstenu de « spectacle » et, par exemple, de

  1. M. Jules Troubat m’écrit : « … Votre commentaire sur le Bois de Boulogne m’a rappelé qu’un jour, à mes débuts chez Sainte-Beuve, je voulus déclamer au maître la fameuse tirade de M. de Saint-Vallier ; je la savais par cœur, et j’y mettais de la conviction. Arrivé au vers : Diane de Poitiers, comtesse de Brézé, Sainte-Beuve m’arrêta et me dit : « C’est exactement comme si, pour vous appeler, je vous disais : Jules Troubat, né à Montpellier. Il me donna une leçon de… couleur locale. »