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éclatante du style, par la hardiesse de ce qui s’y trouve exprimé et par la hardiesse plus grande des sous-entendus, Agrippine confesse à son fils— à son fils ! — toutes ses prostitutions et tous ses divers crimes, notamment l’empoisonnement de Claude :

Je fléchis mon orgueil, j’allai prier Pallas… Silanus, qui l’aimait, s’en vit abandonné Et marqua de son sang ce jour infortuné… De ce même Pallas j’implorai le secours… L’exil me délivra des plus séditieux… Ses gardes, son palais, son lit m’étaient soumis… De ses derniers soupirs je me rendis maîtresse… Il mourut. Mille bruits en courent à ma honte

Ce récit d’une si belle hardiesse apparaît en son lieu comme un moyen dramatique singulièrement puissant. Néron, en l’écoutant, doit se sentir lié par la complicité du crime, par une reconnaissance affreuse, et par la terreur de ce que pourrait faire contre lui une femme qui a fait pour lui tout cela… Agrippine, du moins, se le figure. Car— et ceci est admirable— elle a gardé, malgré tout, des crédulités ; elle est mère à sa façon ; elle aime Néron comme l’instrument de son pouvoir, mais tout de même aussi, un peu, comme son enfant ; et nous la verrons tout à l’heure, après avoir conté ses souillures et ses meurtres à son petit, jouer naïvement à la maternité sentimentale :

Par quels embrassements il vient de m’arrêter ! Sa facile bonté, sur son front répandue. Jusqu’aux moindres secrets est d’abord descendue. Il s’épanchait en fils qui vient en liberté Dans le sein d’une mère oublier sa fierté…