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C’est, je ne dirai pas un christianisme outré, mais le christianisme comme ramassé autour de ce qu’il a de plus surnaturel. Il se résume en ceci, que la nature de l’homme après la chute est foncièrement mauvaise ; que l’homme ne peut donc rien faire de bon sans la grâce, et que la grâce, et même le désir de la grâce, est un présent gratuit.

D’où cette conception est-elle venue à des hommes ? De la préoccupation de ne pas amoindrir Dieu ; du besoin de sentir son action partout ; de la pensée toujours présente du mystère de la Rédemption.

Si l’on accorde, en effet, que la nature humaine corrompue peut, par elle-même, quelque bien, la Rédemption devient inutile.— Oui, mais si l’on dit que la nature humaine ne peut rien de bon par elle-même, plus de libre arbitre et, par conséquent, plus de mérite.— Oui, mais si l’homme, abandonné à ses seules forces, pouvait mériter, c’est donc qu’il pourrait se passer de la grâce… Et le raisonnement peut tourner ainsi indéfiniment.

Cercle vertigineux ! À peine, dans cette conception qui donne tout à Dieu, le jansénisme peut-il sauver verbalement une ombre de liberté humaine. Car toujours, au moment où il va accorder quelque chose à l’homme, il craint d’en faire tort à Dieu.

Et de là tant de formules singulières et contradictoires,