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« Oui, sans doute, ce garçon fait bien parler l’amour : mais tout de même cela n’est pas si fort que notre vieux Corneille. Ah ! les tragédies historiques ! Ah ! les pièces, sur la politique et sur les Romains ! » Je suis persuadé qu’une des choses qui ont le plus irrité Racine, ce sont les consultations d’outre-Manche de ce vieux bel esprit de Saint-Évremond, qui, en dernier lieu, avait eu l’aplomb de mettre Attila au-dessus d’Andromaque. Racine songea : « Vous voulez de l’histoire, et notamment de l’histoire romaine ? Eh bien, attendez ! »

Mais, naturellement, le réaliste Racine ne choisit pas un sujet à grands sentiments ni à grandes joutes oratoires imitées du Conciones. Il ne devait goûter ni les Mort de Pompée, ni les Sertorius, ni les Othon ; et ce n’est pas seulement chez les avocats que l’emphase déplaisait à l’auteur du troisième acte des Plaideurs. Il feuillette Tacite ; et ce qu’il en retient, c’est encore un drame privé. Mais quel drame ! Un des plus atroces de tous, et qui a pour protagonistes deux des âmes les plus souillées et les plus scélérates qu’ait jamais formées— avec les trois concupiscences (des yeux, de la chair et de l’esprit)— la folie de la toute-puissance : Agrippine et Néron.

Il choisit merveilleusement leur point de rencontre. C’est le moment de leur premier heurt : Agrippine est à la fin de ses crimes, Néron au commencement des siens. Aux gestes présents d’Agrippine s’ajoute toute une perspective d’ignominies