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Cannes. Un autre commença son plaidoyer par « le roi Pyrrhus… » Le président lui dit : « Au fait ! au fait ! » Un jeune avocat, plaidant contre un homme qui avait coupé quelques chênes, alla rechercher tout ce qu’il y a dans l’antiquité à l’avantage des chênes. Les druides ni les chênes de Dodone n’y furent oubliés. L’autre avocat, qui l’avait laissé jaser, dit : « Monsieur, il s’agit de quatre chêneaux que ma partie a coupés et qu’il offre de payer au dire d’expert. »

Racine se souvint de tout cela. Peut-être songeât-il aussi, tout bas, à son maître Antoine Lemaître, dont les plaidoyers passaient pour chefs-d’œuvre en leur temps, mais qui manquaient vraiment de simplicité. (Le pédantisme, tout chaud encore de la Renaissance, reste énorme pendant la première moitié du XVIIe siècle et encore un peu par delà.) Mais Racine s’est surtout servi de Gautier la Gueule, qui venait de publier deux volumes de ses plaidoyers. L’Intimé reproduit très exactement un de ses exordes (d’ailleurs imité du Pro Quintio de Cicéron, où l’on doit dire qu’il est à sa place) :

Messieurs, tout ce qui peut étonner un coupable, Tout ce que les mortels ont de plus redoutable Semble s’être assemblé contre nous par hasard, Je veux dire la brigue et l’éloquence. Car D’un côté le crédit du défunt m’épouvante, Et de l’autre côté l’éloquence éclatante De maître Petit-Jean m’éblouit…

Ainsi les Plaideurs étaient une farce débridée, agressive,