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ne pouvait consentir qu’il se fît quelque chose de tout à fait bien depuis qu’il n’était plus là. Il écrit donc, dans sa réponse à Lionne qui lui avait envoyé Andromaque (et son jugement est d’un homme qui ne veut absolument pas céder à son plaisir) :

Cette tragédie a bien l’air des belles choses ; il s’en faut presque rien qu’il n’y ait du grand. Ceux qui n’entreront pas assez dans les choses l’admireront, ceux qui veulent des beautés pleines y chercheront je ne sais quoi[1] qui les empêchera d’être tout à fait contents.

Et je ne vous dirai pas ce que c’est, puisque Saint-Évremond ne le sait pas lui-même.

En somme, Racine ne dut pas, cette fois, trop souffrir des critiques. Il dut jouir de tout ce bruit. Le succès est là, réel, affirmé par le nombre des représentations, concret, retentissant. Au reste, Racine ne s’oublie ni ne s’abandonne. En voilà un qui s’est défendu jusqu’au jour de la conversion et du renoncement ! Le duc de Créqui et le comte d’Olonne se faisaient remarquer parmi les détracteurs de la pièce. Racine, très hardiment, fait courir contre ces deux grands seigneurs l’atroce épigramme que l’on connaît :

La vraisemblance est choquée en ta pièce, Si l’on en croit et d’Olonne et Créqui. Créqui dit que Pyrrhus aime trop sa maîtresse. D’Olonne qu’Andromaque aime trop son mari ;

  1. Il faut sans doute entendre : « y chercheront je ne sais quoi, dont l’absence les empêchera d’être tout à fait contents » .