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aussi bien que nous la notion de la couleur historique, et même de ce que nous avons appelé la couleur locale. Les romantiques étaient un peu naïfs de croire qu’ils l’avaient inventée. En réalité, le XVIIe siècle n’a cessé de discuter sur cette matière. La vérité historique, celle des mœurs, du langage, du costume, Saint-Évremond en parle continuellement. Dans sa lettre sur Alexandre, Saint-Évremond écrivait que « le climat change les hommes comme les animaux et les productions, influe sur la raison comme sur les usages, et qu’une morale, une sagesse particulière à la région y semble régler et conduire d’autres esprits dans un autre monde » . (On peut même trouver que Saint-Évremond exagère.) Et le vieux Corneille, et tous les ennemis de Racine lui reprochent régulièrement que ses Grecs, ses Romains et ses Turcs ressemblent à des courtisans français ; et Racine se défendra là-dessus dans plusieurs de ses préfaces.

Les hommes instruits du XVIIe siècle n’étaient pas plus bêtes que nous, je vous assure. Ils étaient déjà avertis de bien des choses. Un des plus intelligents et des plus fins fut ce Guilleragues, à qui Boileau a adressé une de ses meilleures épîtres, et à la fois des plus savoureuses et des plus philosophiques. Boileau le qualifie en ces termes :

Esprit né pour la cour, et maître en l’art de plaire, Guilleragues, qui sais et parler et te taire.

M. de Guilleragues fut ambassadeur de France à Constantinople de 1679 à 1685. Il avait pu