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mêlée à l’amour ; voulant ensuite le sauver, puis le tuer elle-même ; reprochant à Oreste le meurtre qu’elle a commandé, et se frappant sur le corps de son amant : ce qui la distingue parmi tout cela, c’est une certaine candeur violente de créature encore intacte, une hardiesse à tout dire qui sent la fille de roi et l’enfant trop adulée, toute pleine à la fois d’illusions et d’orgueil : qui est passionnée, mais qui n’est pas tendre, l’expérience amoureuse lui manquant, et qui n’a pas de pitié. Et ainsi elle garde, au milieu de sa démence d’amour, son caractère de vierge, de grande fille hautaine et mal élevée, — absoute de son crime par son ingénuité quand même, — et par son atroce souffrance.

De même, Oreste est encore autre chose qu’un possédé de l’amour, qui aime comme l’on hait ; capable de tuer ; capable auparavant de dire, lorsqu’il croit qu’Hermione va être à Pyrrhus :

Tout lui rirait, Pylade, et moi, pour mon partage, Je n’emporterais donc qu’une inutile rage ? J’irais loin d’elle encor tâcher de l’oublier ? Non, non, à mes tourments je veux l’associer. C’est trop gémir tout seul. Je suis las qu’on me plaigne. Je prétends qu’à mon tour l’inhumaine me craigne Et que ses yeux cruels à pleurer condamnés Me rendent tous les noms que je leur ai donnés.

Il est, dis-je, autre chose encore. Autre chose aussi que l’amant ténébreux et mélancolique que l’on rencontre quelquefois dans les romans du XVIIe siècle. Il me paraît le premier des héros