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quand elle avait quinze ans ; et elle lui en veut d’avoir peut-être rêvé de lui, de lui avoir peut-être donné quelques droits sur son cœur, avant qu’elle eût connu Pyrrhus, son vrai maître.

Retirée dans sa petite cour où elle attend Pyrrhus et se consume de n’être pas aimée ; d’ailleurs capable de tout pour sa passion (c’est elle qui a dénoncé aux Grecs les ménagements de Pyrrhus pour Astyanax :

J’ai déjà sur le fils attiré leur colère : Je veux qu’on vienne encor lui demander la mère) ;

puis, quand Oreste survient, trop sincère et trop peu maîtresse d’elle-même pour n’être pas maladroite avec lui, jusqu’à s’engager beaucoup plus qu’elle ne voudrait ; ensuite, quand Pyrrhus paraît revenir vers elle, lâchant ce même Oreste avec la plus cynique insouciance.

(N’avons-nous d’entretien que celui de ses pleurs ? )

et opposant la plus sèche ironie à Andromaque qui l’implore pour son petit enfant ;

(S’il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous ? )

puis, lorsque Pyrrhus retourne à sa Troyenne et va l’épouser, chancelante sous le coup, gardant un silence farouche ; puis « voyant rouge » à cause des images précises qu’elle se forme dans ce silence ; puis appelant Oreste et lui ordonnant le meurtre ; rencontrant là-dessus Pyrrhus et l’accablant des plus magnifiques injures que puisse inspirer la jalousie, c’est-à-dire la haine inextricablement