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Et, ce que n’avait pu promesse ni menace,
Pyrrhus de mon Hector semble avoir pris la place
Je n’ai que trop, madame, éprouvé son courroux :
J’aurais plus de sujet de m’en plaindre que vous
Pour dernière faveur ton amitié cruelle,
Pyrrhus, à mon époux me rendait infidèle.
Je t’en allais punir. Mais le Ciel m’est témoin
Que je ne poussais pas ma vengeance si loin ;
Et sans verser ton sang, ni causer tant d’alarmes,
Il ne t’en eût coûté peut-être que des larmes…

Racine a supprimé, dans l’édition de 1676, cette rentrée d’Andromaque. Il a senti qu’il ne convenait pas de nous la montrer aimant un autre homme que son premier époux, aimant Pyrrhus, même mort à cause d’elle : car ce ne serait plus l’ « Andromaque d’Hector » (Hectoris Andromache). Mais, qu’il ait d’abord écrit cette scène, il me semble que cela révèle un goût assez audacieux de vérité psychologique ; car cela suggère l’idée qu’Andromaque pût être touchée, à son insu, de l’amour de Pyrrhus et fût ainsi préparée à ce phénomène tragique : l’amour naissant subitement du sang versé et de la mort. En regard, l’ardente figure d’Hermione. C’est une des « femmes damnées » de Racine, les autres étant Roxane, Ériphile et Phèdre. Elle est dans notre littérature la première jeune fille qui aime jusqu’au crime et au suicide. Et cette possédée d’amour reste, en effet, une jeune fille ; nondum passa virum.

Son cousin Oreste lui a fait autrefois la cour,