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Et ce second revirement de Pyrrhus entraîne tout. Hermione, désespérée, se rejette sur Oreste ; elle lui commande, s’il la veut, de tuer Pyrrhus à l’autel. Et Oreste obéit ; et quand il revient chercher sa récompense, Hermione lui crie : « Qui te l’a dit ? » et va se tuer sur le corps de Pyrrhus, laissant Oreste en proie à un accès de folie. Voilà, tout en gros, l’action d’Andromaque. Vous avez reconnu que, la situation première une fois posée, elle se développe naturellement, par la seule vertu des sentiments, passions et caractères des personnages et sans aucune intrusion du hasard, — avec cette particularité que tout est suspendu à Andromaque ; qu’Andromaque d’abord, en s’éloignant de Pyrrhus, le rapproche d’Hermione et éloigne celle-ci d’Oreste ; et qu’ensuite, en se rapprochant de Pyrrhus, elle rapproche Hermione d’Oreste et rejette Oreste sur Hermione : en sorte que non seulement l’action est subordonnée aux sentiments des personnages, mais que les sentiments de trois de ceux-ci sont subordonnés aux sentiments d’un quatrième. On ne saurait donc concevoir un drame plus véritablement ni plus purement psychologique. Et c’est le premier point par où Andromaque diffère profondément et de Timocrate et d’Astrate, et du théâtre même de Pierre Corneille.

Et voici le second point. On peut presque dire que pour la première fois l’amour entre dans la tragédie.