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dès ses premières satires, s’insurgeait contre le romanesque et le faux, — Racine, pour la première fois dans Andromaque, choisit et veut une action simple et des personnages vrais ; fait sortir les faits des caractères et des sentiments ; nous montre des passionnés qui ne sont nullement vertueux, mais qui aussi ne prétendent point à la vertu ni ne la déforment ; ramène au théâtre— par opposition à la morale fantaisiste et romanesque— la morale commune, universelle, et cela, sans aucunement moraliser ni prêcher, et par le seul effet de la vérité de ses peintures. Et c’est une des choses par où Racine plut à Louis XIV, homme de bon sens, grand amateur d’ordre, et qui se souvenait que la Fronde avait fort aimé le romanesque en littérature. Et ainsi il est peut-être permis de signaler ici une convenance secrète et une concordance entre les deux génies réalistes du jeune poète et du jeune roi.

Notons qu’il s’est écoulé près de deux ans entre la représentation d’Alexandre et celle d’Andromaque. Racine ne s’est pas pressé. Il a de nouveau feuilleté ses Grecs, il s’est laissé de plus en plus émouvoir et pénétrer par leur simplicité, leur sincérité, leur candeur hardie. En même temps, devenu à vingt-cinq ans auteur dramatique célèbre, il vivait dans un monde où les passions sont vives et il regardait attentivement autour de lui.— Puis, ces deux années-là, il voyait jouer, non sans sourire, Sophonisbe et Agésilas. Il savait bien