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encore davantage, si l’on vous disait que vous n’empoisonnez point, que votre muse est une innocente, qu’elle n’est capable de faire aucun mal, qu’elle ne donne pas la moindre tentation, et qu’elle laisse le cœur dans le même état où elle le trouve.

Pourquoi donc Racine est-il si fort ulcéré ?

Relisons le passage de Nicole. Ce qui pique Racine au vif et ce qui l’exaspère, ce ne sont point des excommunications dont il a l’habitude ; ce n’est même pas la publicité de cette excommunication générale, ni l’idée que le public lui en fera peut-être l’application : c’est une petite incise, — une épine secrète— qu’on ne remarque pas tout d’abord, et que je vous rappelle donc :

Ces qualités (d’un poète de théâtre), qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles selon les principes de la religion chrétienne.

« Horribles », cela n’est rien ; ce sont façons dévotes de parler. Mais ce mot méprisant : « Qui ne sont pas fort honorables aux yeux des honnêtes gens, » voilà qui fait plaie, car cela l’atteint dans ce qu’il a de plus tendre : dans son orgueil, et dans sa vanité aussi. On veut bien être damné, on ne veut pas être dédaigné. C’est, j’en suis persuadé, surtout pour ce mot que Racine écrit sa première réponse. Et c’est, en effet, sur ce mot cuisant qu’il part, dès le début :

Pourquoi voulez-vous que ces ouvrages d’esprit soient une occupation peu honorable devant les