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on interdit l’entrée de l’Église et la communion des fidèles. » Elle conjurait son neveu d’avoir pitié de son âme, de rompre « des relations qui le déshonoraient devant Dieu et devant les hommes » . Elle terminait en lui déclarant que, tant qu’il serait dans un état si déplorable et si contraire au christianisme, « il ne devait pas penser à venir la voir » . Et la dernière phrase était : « Je ne cesserai point de prier Dieu qu’il vous fasse miséricorde, et à moi en vous la faisant, puisque votre salut m’est si cher. »

Le succès de la comédie parfaitement païenne d’Alexandre dut redoubler la douleur de la vieille religieuse et des pieux solitaires. Car quoi de plus « contraire au christianisme » que de glorifier— par les bouches impures de comédiens et de femmes parées et exposées au public pour la « concupiscence des yeux », — la subordination de toutes choses à la gloire et à l’amour, c’est-à-dire à l’ « orgueil de l’esprit » et à la « concupiscence de la chair », ce qui est bien le fond d’Alexandre ?

Or, à ce moment, les trois concupiscences— et particulièrement l’orgueil de l’esprit— étaient si dominantes chez le jeune Racine lui-même, qu’il ne faisait pas bon se mettre en travers de son plaisir et de sa gloire. Les excommunications de la mère Agnès devaient l’exaspérer. « Mon salut ! mon salut ! eh bien quoi ? C’est mon affaire. Ne peuvent-ils me laisser la paix ? » Il devait être irrité, non seulement par une contradiction qui peut-être le troublait secrètement malgré lui et réveillait en