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Mais rien ne me forçait, en ce commun effroi,
De reconnaître en vous plus de vertu qu’en moi :
Je me rends, je vous cède une pleine victoire.
Vos vertus, je l’avoue, égalent votre gloire.
Allez, seigneur, rangez l’univers sous vos lois ;
Il me verra moi-même appuyer vos exploits.
Je vous suis, et je crois devoir tout entreprendre
Pour lui donner un maître aussi grand qu’Alexandre.

Triomphe, apothéose. C’est, en somme, l’histoire de trois âmes inégalement héroïques « surmontées » par un héroïsme supérieur.

Avec un peu de lenteur dans les deux premiers actes, la pièce est aimable et brillante. Racine, pour ses seconds débuts, avait pleinement réussi dans le genre qui était le plus à la mode ! Il avait fait, mieux que Thomas Corneille et que Quinault, ce que Quinault et Thomas Corneille faisaient depuis quinze ou vingt ans, ce que Pierre Corneille lui-même avait fait souvent et ce qu’il allait encore tenter dans ses Pulchérie et ses Suréna. Racine offrait à ses contemporains, aux femmes, au jeune roi, aux jeunes courtisans, sous le nom d’Alexandre, l’image un peu fade, peut-être, mais extrêmement élégante, du héros galant, du « surhomme » selon la conception du XVIIe siècle, lequel « surhomme » est aussi, à sa façon « par delà le bien et le mal » . Et sur un point sans doute Racine était resté fidèle à ce qui avait été dès le début et restera sa poétique : l’action de l’Alexandre (contrairement à celle de Timocrate ou d’Astrate) est fort simple et presque toute dans les sentiments des