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De même (acte V, scène I), lorsque la reine Cléophile lui dit :

… Mais quoi, seigneur ? Toujours guerre sur guerre ? Cherchez-vous des sujets au delà de la terre ? Voulez-vous pour témoins de vos faits éclatants Des pays inconnus même à leurs habitants ? Qu’espérez-vous combattre en des climats si rudes ? Ils vous opposeront de vastes solitudes, Des déserts que le ciel refuse d’éclairer, Où la nature semble elle-même expirer… Pensez-vous y traîner les restes d’une armée Vingt fois renouvelée et vingt fois consumée ? Vos soldats, dont la vue excite la pitié, D’eux-mêmes en cent lieux ont laissé la moitié…

Alexandre pourrait, j’imagine, répondre par l’exposé de quelque dessein grandiose. Il se contente d’affirmer superbement :

Ils marcheront, madame, et je n’ai qu’à paraître.

Ailleurs (acte IV, scène II) :

Je suis venu chercher la gloire et le danger.

Être présent à la pensée des autres hommes et, comme nous disons aujourd’hui, « vivre dangereusement », voilà tout l’idéal de l’Alexandre de Racine. Plus rien du civilisateur, du grand rêveur politique, du constructeur d’histoire. Tandis qu’il conquiert l’Asie, il n’a pas de pensée plus profonde qu’un colonel de vingt ans des armées du roi.

Cet Alexandre est décidément un peu artificiel. Mais, plus accessible ainsi, il dut plaire d’autant plus à la jeune cour et au jeune roi. Ils ont la même