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intéressant et plus subtil, en l’exigeant chaste, en mettant, tout près de l’amour, le péché. Cette idée que l’adoration de la femme fait partie intégrante de l’âme d’un héros, c’est, en somme, une transformation profane, mondaine et voluptueuse d’un fait chrétien. Les gens du XVIIe siècle ont beau ignorer ou dédaigner les romans de gestes et mépriser l’architecture gothique, ils ont hérité, sans le savoir, de beaucoup de façons de sentir du moyen âge. Les réunions de l’hôtel de Rambouillet continuent les cours d’amour.

Le héros amoureux, c’est l’idéal de tous les jeunes seigneurs, et c’est l’idéal du jeune roi. Louis XIV n’a qu’un an et demi de plus que Racine. Depuis la mort de Mazarin (1661), il joue le rôle de héros bienfaisant. Il gouverne fort bien ces années-là (avec Colbert, Le Tellier, Louvois, Séguier, Lionne, qu’il a choisis lui-même). La France paraît prospère (oh ! comme les pays sont prospères, avec beaucoup de misères au fond). Le roi, bien entendu, est amoureux. Et sans doute le roi n’a pas encore fait la guerre. Mais, en 1665, le père de la reine, Marie-Thérèse, étant mort, Louis XIV réclame la Flandre et la Franche-Comté pour remplacer la dot qui n’a pas été payée. Et, dans dix-huit mois au plus tard, le roi envahira élégamment la Flandre et la Franche-Comté, dans une petite guerre rapide, presque pareille à un ballet militaire un peu accentué. Racine l’aime,