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humaines et de la plus propre à raviver et exalter les imaginations.

Mais pourquoi, nous sommes-nous demandé, Racine choisit-il Alexandre pour héros de sa deuxième pièce ? Et qu’en a-t-il fait ?

Racine, à vingt-cinq ans, est plein d’un grand désir de gloire, et, en attendant la gloire, d’un désir enragé de succès. La Thébaïde, tragédie très sombre et très sage, a fort joliment réussi pour un début. Mais ce qu’il veut, ce qu’il lui faut, c’est le « grand succès » . Peut-être a-t-il été trop raisonnable dans la Thébaïde. Les deux auteurs favoris du public, à ce moment-là, c’est Thomas Corneille et Quinault. Ils plaisent par un certain héroïque galant, que Quinault pousse même jusqu’au doucereux. Les romans de Gomberville, de. La Calprenède, de mademoiselle de Scudéry sont en vogue. La Fontaine lui-même, si ami pourtant du naturel, les lit et s’en amuse. Boileau les raille, et fort spirituellement, dans son Dialogue des héros de roman. Mais Racine, cette fois, ne consultera pas Boileau.

Et puis, après tout, le héros amoureux, le héros galant, le guerrier qui fait des prouesses pour plaire à la femme qu’il aime et pour l’honorer, cela est dans la tradition nationale. Tous les chevaliers de chansons de gestes sont ainsi. Ils sont ainsi parce que le christianisme à la fois a relevé socialement la femme et a rendu l’amour plus