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peu de temps, des espaces si démesurés, est le roi de la marche stratégique.

D’autre part, je ne vous le donne pas pour un philosophe humanitaire, mais c’est réellement un conquérant civilisateur. Et il le sait, et il le veut. Et c’est pour cela qu’il se dit fils de Jupiter. Et il le croit, en ce sens qu’il se considère comme élu par les puissances d’en haut. Mais sa divinité, utile à ses desseins, lui permet le sourire. Une fois qu’il est blessé :

On m’appelle, dit-il, fils de Jupiter : mais cela n’empêche pas ma jambe de me faire diablement mal.

Il met de la coquetterie à bien traiter les vaincus. Il respecte leurs usages et même les adopte. Il marie tant qu’il peut ses soldats avec des femmes perses. Il prêche d’exemple en épousant Roxane, puis Statira, fille de Darius. Un jour, à Babylone, il célèbre à la fois, dans une fête énorme, dix mille de ces mariages mixtes, et, pour rehausser la fête, un vieux brahme qu’il a ramené de l’Inde, las de cette vie transitoire, monte volontairement sur un bûcher devant toute l’armée.

Une autre fois (printemps de 323 avant J.-C.), il reçoit à Babylone des ambassades de toutes les parties du monde connu. Il en vient d’Italie : des Bruttiens, des Lucaniens, des Étrusques ; il en vient d’Afrique : des Carthaginois, des Lybiens, des Éthiopiens. Des Scythes d’Europe s’y rencontrent