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lamente pendant trois jours. Sa morale, c’est d’être fort et grand pour agir sur les autres ; c’est d’étendre son être le plus qu’il peut. Il se reconnaît tous les droits dans l’instant où il a besoin de les exercer. C’est qu’il croit réellement à sa destinée supérieure. Cruel, atroce, comptant pour rien le sang versé quand il s’agit de la sécurité de son inappréciable personne, le reste du temps, il est aisément magnanime, clément, doux, gracieux. Il estime et respecte la vertu parce que la vertu est belle, parce que la vertu est utile.

Il a des mots et des gestes à la Napoléon. Dans les déserts de l’Oxus, après une longue marche à pied, mourant de soif, il refuse un peu d’eau qu’un des siens vient de trouver, et la répand par terre, parce qu’il ne peut la partager avec ses soldats. Par un froid terrible, il fait asseoir à sa place, près d’un feu de bivouac, un vétéran à moitié gelé ; et, quand le soldat le reconnaît et se lève épouvanté :

Camarade, lui dit-il en riant, chez les Perses, s’asseoir sur le siège du roi, c’est un cas de mort ; et toi, c’est ce qui t’a sauvé.

Son intelligence est à la fois vaste, excessivement imaginative et précise. Les généraux anglais qui ont combattu dans les Indes regardent le passage de l’Hydaspe et la bataille qui suivit comme des chefs-d’œuvre de tactique. Et il est évident que l’homme qui a fait parcourir à son armée, en si