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critique de son temps ; que sa vie n’a pu être racontée que sur des documents très incomplets et très mêlés, et qu’enfin elle n’a été écrite que plusieurs siècles après sa mort, par le strict et prudent Arrien, le facile Plutarque, l’abréviateur Justin, — et par le demi-romancier Quinte-Curce, dont on ne sait s’il vivait sous Claude ou sous Théodose, ou si même il ne fut pas quelque clerc subtil du moyen âge. À travers ces incertitudes, ce qui est sûr, c’est que, plus qu’aucun autre personnage historique, Alexandre est ce qu’un Allemand a appelé le « surhomme », disons simplement le grand homme d’action. Ce fut évidemment un être magnifique, un individu incroyablement doué. Il est beau ; il est fort ; il est l’homme le plus robuste, le plus agile, le plus courageux de toute son armée, et le plus résistant à la fatigue et à la souffrance. Il en est aussi le plus grand buveur. Il dompte les chevaux, tue les lions. Dans la bataille, il donne de sa personne, il se bat au premier rang, comme un héros d’Homère. En même temps, élève d’Aristote, il sait la politique, les sciences, la médecine, et comprend sans doute la métaphysique la plus abstruse. Il est musicien et joue de tous les instruments (sauf de la flûte). Il sait par cœur l’Iliade et la moitié de l’Odyssée. Tous ses sentiments sont d’une extrême intensité. Il tue Clitus par colère ; mais il s’arrache les cheveux, gémit et se