Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

remparts, chez Créon, dans le tombeau d’Antigone. Partout, dureté, emphase, subtilités ineptes, jeux bizarres d’antithèses. Çà et là de magnifiques éclairs de poésie ou de passion. Je le répète, cela ressemble assez à une tragédie d’un contemporain de Shakespeare. Même, la scène d’Hémon dans le tombeau d’Antigone fait un peu songer, par l’outrance fleurie du style et par le décor, à Roméo près de Juliette morte.

De l’Antigone de Rotrou, Racine ne garde rien. C’est sur la tragédie d’Euripide qu’il travaille.

Attentif à l’unité d’action, il retranche même l’espèce d’épilogue qui termine les Phéniciennes : les lamentations sur les cadavres, l’interdiction d’enterrer Polynice, le départ d’Œdipe et d’Antigone.

La pièce d’Euripide ainsi réduite, cette pièce dont Rotrou n’avait guère tiré plus de deux actes, Racine en tire ses cinq actes entiers, et cela, en ne gardant que les personnages strictement nécessaires à l’action.

Comment s’y prend-il ? Très simplement. Il recule jusqu’au quatrième acte la grande scène, la scène capitale, entre, Jocaste et ses deux fils (comme, plus tard, dans Bérénice, il retardera jusqu’au quatrième acte la rencontre décisive des amants). Pour remplir les trois premiers, il trouvera assez de matière dans les sentiments qu’excite la discorde de deux frères chez Jocaste, Antigone, Hémon, Créon. De ce dernier, notamment,