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que cette famille n’a pas voulu que Thérèse eût d’enfants, qui auraient pris part au gâteau et qui auraient, d’autre part, peut-être détaché Thérèse de sa famille par l’affection qu’elle aurait eue pour eux. La famille de Thérèse n’a pas voulu que Thérèse eût d’enfants. Lui obéissant toujours, et craignant peut-être que sa famille ne les assassinât, Thérèse m’ordonna de les abandonner. Partie par amour pour elle, partie pour ne pas avouer que je lui obéissais comme elle obéissait à sa famille, je n’ai jamais voulu dire que c’était elle qui avait exigé leur sacrifice. »

Il reste que Rousseau aurait abandonné cinq enfants par peur de Thérèse et surtout de la mère Levasseur, en somme par faiblesse, passivité, aboulie. Il est possible.

Il a connu le remords, du moins à partir de 1769. Il écrit à Moultou (14 février 1769) :

C’est bien malgré elle (Thérèse), c’est bien malgré nous qu’elle et moi n’avons pu remplir de grands devoirs : mais elle en a rempli de bien respectables.

Et il ajoute cette phrase que j’avoue ne pas bien comprendre :

Que de choses qui devraient être sues vont être ensevelies avec moi ! Et combien mes cruels ennemis tireront d’avantages de l’impossibilité où ils m’ont mis de parler ! ( ?)

Et dans l’admirable lettre à Thérèse, quand il songe à se séparer d’elle : « Nous avons des fautes à pleurer et à expier. » Des mots comme celui-là, dans une lettre intime, me paraissent une meilleure