Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais surtout ses maux physiques ont profondément agi sur sa sensibilité, sur sa vie passionnelle, et par conséquent sur ses livres eux-mêmes.

La vie passionnelle de Jean-Jacques est bien curieuse et bien triste. Sa sensualité s’éveille à dix ans, sous la fessée qu’il reçoit de mademoiselle Lambercier (une fille de trente ans). Je ne puis décidément descendre dans les détails et dans ce qu’il appelle « le labyrinthe obscur et fangeux de ses confessions ». Mais il faut pourtant indiquer ce qui est. Il a une enfance et une adolescence vicieuses : les jeux avec mademoiselle Gothon, ses détestables habitudes, ses extravagances exhibitionnistes à Turin, dans les allées sombres et près de ce puits où les jeunes filles viennent chercher de l’eau. Et avec cela, corrompu et d’une dépravation maladive, il garde jusqu’à vingt-deux ans ce que j’appellerai son innocence. Pourquoi ? Par une timidité qui est évidemment un effet de son état pathologique. C’est pour cela qu’à vingt-deux ans, à la fois vicieux et intact, il arrive aux bras de madame de Warens pour y connaître l’amour dans des conditions qu’il n’est guère possible de ne pas qualifier de déshonorantes. C’est pour cela aussi que, madame de Warens et Thérèse mises à part, Jean-Jacques n’a eu de sa vie d’autre « aventure d’amour » que sa rencontre avec madame de Larnage, laquelle, il est vrai, y mit beaucoup du sien, car il crut d’abord qu’elle voulait se moquer de lui. (Le pauvre Jean-Jacques