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les Lespinasse et les Aïssé, — et d’autres sans doute qui ne nous ont pas fait de confidences — n’eurent pas besoin de ses leçons !

Il est plus vrai de dire qu’il a agi, même sur ses contemporains, par la ferveur de son déisme. Il a été un homme vraiment religieux, je l’ai montré avec abondance. Il s’est posé en adversaire déclaré des Encyclopédistes athées, et c’est par là surtout qu’il s’est attiré leur haine. Son protestantisme libre et attendri par vingt-six années de catholicisme n’est pas si éloigné du catholicisme sentimental de Chateaubriand. Et à un moment, dans les premières années du XIXe siècle, on peut dire que, « si l’action de Rousseau avait mené à la république jacobine, elle a contribué, peu après, à la restauration catholique » (Lanson).

Nouveauté encore, relativement à la doctrine des Encyclopédistes, la façon dont Rousseau conçoit le progrès. Il n’a pas leur foi béate en cette idole. Il n’a pas cru, comme eux, que le progrès matériel et intellectuel impliquât le progrès moral, ni qu’il assurât le bonheur des hommes. Il n’a pas du tout la superstition de la science. — Rousseau est, d’ailleurs, presque toujours excellent sur les points où il est directement l’ennemi des Encyclopédistes. Il serait possible, — et intéressant, — de composer tout un volume de maximes et de pensées conservatrices et traditionnalistes tirées du « libertaire » Jean-Jacques Rousseau, et c’est pourquoi il faut renoncer à trouver des formules qui le con-