le seul ouvrage de Rousseau (avec les Rêveries) qui n’ait pas été conçu et écrit sous le coup de la passion.
Je crois simplement que Rousseau à Montmorency reprit et revit, vers 1760-1761, ses vieux cahiers de Venise, parce qu’il était très touché de la gloire de Montesquieu (qu’il raille sans le nommer au livre II du Contrat). Puis, il était encore dans sa période d’adoration pour Genève. Ce qu’il édifie dans le Contrat social, c’est le gouvernement de Genève idéalisé.
Idéalisé ? Comment ? — Genève était un gouvernement démocratique, mais atténué. — En dehors des « habitants », c’est-à-dire les étrangers domiciliés dans la république, et des « natifs », ou fils d’« habitants » (deux classes qui comptaient peu) il y avait les « citoyens », fils de bourgeois et nés dans la ville, et les « bourgeois », fils de bourgeois ou de citoyens, mais nés à l’étranger, ou étrangers ayant acquis le droit de bourgeoisie. Ces deux classes : les « citoyens » et les « bourgeois », formaient ensemble le corps électoral : environ quinze cents votants (on n’était électeur qu’à vingt-cinq ans). Mais, seuls, les « citoyens » pouvaient être membres du gouvernement (appelé « Petit Conseil »).
Or, lorsque Rousseau avait publié le Discours sur l’inégalité, il l’avait dédié à la République de Genève, et particulièrement aux membres du Petit Conseil. Mais ils avaient, paraît-il, reçu froidement cette dédicace ; et, tandis que tout le peuple de Genève s’échauffait pour Jean-Jacques, eux seuls