en plus. Ce qui lui ferme la bouche, c’est la crainte d’affliger trop son mari. Mais elle a un enfant ; cela lui rend du courage. Elle avoue tout à Wolmar. Mais la « scène de l’aveu », que nous attendions, est malheureusement esquivée ; et nous ne l’apprenons que par cette étonnante lettre « de M. Wolmar à l’amant de Julie » :
Quoique nous ne nous connaissions pas encore, je suis chargé de vous écrire. La plus sage et la plus chérie des femmes vient d’ouvrir son cœur à son heureux époux (c’est-à-dire de lui raconter, je pense, qu’elle a reçu Saint-Preux dans sa chambre et dans son lit de jeune fille, qu’elle a été enceinte de lui et qu’elle a fait une fausse couche). Il (l’heureux époux) vous croit digne d’avoir été aimé d’elle, et il vous offre sa maison. L’innocence et la paix y règnent ; vous y trouverez l’amitié, l’hospitalité, l’estime, la confiance. Consultez votre cœur, et, s’il n’y a rien là qui vous effraye, venez sans crainte. Vous ne partirez point d’ici sans y laisser un ami. — Post-scriptum de Julie : — Venez, mon ami, nous vous attendons avec empressement. Je n’aurai pas la douleur que vous me deviez un refus.
Et ainsi, après cent cinquante pages de lumière presque pure, de raison émue et, somme toute, de vérité humaine, nous rentrons dans la chimère, et dans la plus désobligeante.
Pourquoi ? C’est que Rousseau aime Saint-Preux, qui est lui-même faible, passif, plaintif, incertain et passionné. Qu’est-ce qu’il va faire de Saint-Preux ? Il ne peut pas le renvoyer faire le tour du monde ; il n’a pas le courage de le faire