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du parc de Montmorency pendant qu’on répare sa maisonnette de Montlouis. Il va tous les jours chez le maréchal et madame de Luxembourg. Il y va dès le matin ; il y dîne ; il y passe l’après-midi ; souvent il y soupe. « Je ne la quittais presque point », dit-il. Il lit tous les matins, à la maréchale couchée, le manuscrit de la Nouvelle Héloïse ; et ça dure longtemps. Il en écrit pour elle une belle copie calligraphiée, « à tant la page ». Quand la lecture de la Nouvelle Héloïse est terminée, il se met à lui lire l’Émile.

Madame de Luxembourg s’engoua de la Julie et de son auteur ; elle ne parlait que de moi, ne s’occupait que de moi, me disait des douceurs toute la journée, m’embrassait dix fois le jour. Elle voulut que j’eusse toujours ma place à côté d’elle ; et quand quelques seigneurs voulaient prendre cette place, elle leur disait que c’était la mienne, et les faisait mettre ailleurs.

La petite maison de Montlouis réparée, il y rentre, mais en gardant la jouissance, à son gré, du délicieux petit château. — Soit au petit château, soit à Montlouis, monsieur et madame de Luxembourg lui amènent leurs visiteurs. Ce sont les plus grands seigneurs, et toujours ce sont les plus grandes dames. Car, ne nous y trompons pas, Rousseau a été infiniment plus choyé par ces gens-là que Voltaire. Et Thérèse leur donne à goûter, et les grandes dames embrassent Thérèse, après avoir mangé ses fraises à la crème.

Jean-Jacques vit dans l’enchantement. Mais il