Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/144

Cette page n’a pas encore été corrigée

Sur le séjour de vingt mois que fit Rousseau à l’Ermitage, nous avons le livre IX des Confessions, les Mémoires de madame d’Épinay et les Mémoires de Marmontel passim, notamment le début du livre VIII, où Marmontel est l’interprète de Diderot.

Quand on a lu tout cela, on s’y embrouille un peu. J’ajoute que les Mémoires de madame d’Épinay sont « romancés » et suspects, et que Marmontel, quand il rapporte ce qu’il ne sait pas directement, m’inspire beaucoup de méfiance.

Enfin, voici l’essentiel et, je crois, le vrai.

Lorsque Rousseau était arrivé à Paris, et ensuite à son retour de Venise, il avait été très bien accueilli par les hommes de lettres. Les encyclopédistes voyaient en lui une recrue ; puis, le sachant malade, très sensible, très susceptible, ils étaient assez disposés à le ménager. Peut-être s’amusaient-ils entre eux de ses bizarreries. Mais ils n’y mettaient, je crois, nulle malveillance. Voici une page de Marmontel qui semble bien donner là-dessus la « note juste » :

Ce fut là[1] que je connus Diderot, Helvétius, Grimm, et Jean-Jacques Rousseau, avant qu’il se fût fait sauvage. Grimm nous donnait chez lui un dîner toutes les semaines, et à ce dîner de garçons régnait une liberté franche, mais c’était un mets dont Rousseau ne goûtait que fort sobrement… Il n’avait pas encore pris couleur, comme il a fait depuis, et n’annonçait pas l’ambition de faire secte. Ou son orgueil n’était pas né, ou il se

  1. Chez d’Holbach, vers 1750.