Page:Lemaître - Impressions de théâtre, 8e série, 1895.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée
300
IMPRESSIONS DE THÉATRE

doute. Mais, malgré moi, je me rappelais le vers de Riiy Blas :

Non, je suis déguisé quand je suis autrement.

« O prestige du talent ! La scène grouillait de Polytes et de Phémies qui avaient vraiment l’air de s’amuser et de vivre pour leur compte. Cela était si parfait que l’artifice en était insaisissable. Pascal dit : « On est tout étonné et ravi quand, s’attendant de voir un auteur, on trouve un homme. » Ainsi, je m’étais attendu à voir des comédiens plus ou moins habiles, et j’avais tout à coup la sensation délicieuse de reconnaître des gens de mon monde, des amis et des petites camarades que j’avais perdus de vue, et que la police me rendait. J’en aurais pleuré de joie.

« Et partout, dans la salle, au bord des baignoires et des loges, il y avait des dames très chic, et des bourgeoises, et des filles huppées qui étaient, elles aussi, parfaitement heureuses. Elles avaient des yeux brillants, des mines friandes, des figures qui avouaient Elles avouaient qu’il n’y a plus que ça qui les amuse ; elles avouaient leur secret parenlage d’âme, — et de corps, — avec les humbles cl sincères créatures qui gigotaient de l’autre cûtr de la rampe. — Les femmes étaient charmées, les hommes indulgents, et toute la salle communiait dans la crapule.

« Oui, il est des moments où la société avoue, on