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qu’il ait lui-même le cœur droit et que le poète ait eu soin de ne prêter qu’aux scélérats des paroles scélérates. Mais alors cette « première utilité de la tragédie » se confond avec la seconde, que nous verrons tout à l’heure.

Il n’est pas étonnant, du reste, que Corneille recommande l’emploi des sentences et maximes. Nul ne les a prodiguées comme lui, et parla il est bien Romain. On pourrait extraire de son théâtre toute une théorie du droit divin et tout un traité de politique sous la forme d’axiomes. C’est que cette forme convient on ne peut mieux, par sa raideur et sa gravité, au caractère de ses héros. Il nous montre des personnages si sûrs d’eux-mêmes, si solidement étal>lis dans leur pensée et dans leur volonté, que, lorsqu’ils ouvrent la bouche, aucun mode d’affirmation ne leur paraît trop fort. Or rien de plus affirmatif qu’une « maxime » ; et par suite rien de plus cornélien.

« La seconde utilité du poème dramatique se rencontre en la naïve peinture des vices et des vertus, qui ne manque jamais à faire son effet, quand elle est bien achevée, et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne les peut confondre l’un dans l’autre, ni prendre le vice pour la vertu. Celle-ci se fait toujours aimer, quoique malheureuse ; et celui-là se fait toujours haïr, bien que triomphant. »

On ne saurait mieux dire. L’affaire du poète n’est point de nous montrer les choses humaines ordonnées