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un état supérieur à celui de la nature. » (Mais alors, cette glorification de l’homme naturel que devaient être les Natchez ?) En somme, les trois personnages qui tour à tour expliquent à Chactas la société du temps de Louis XIV, c’est La Bruyère, c’est Fénelon, et c’est Ninon de Lenclos. Cette spirituelle ikouessen (courtisane) ayant demandé à Chactas « ce qu’il a trouvé de plus sensé parmi nous », Chactas lui répond : « Mousse blanche des chênes qui sers à la couche des héros, les galériens et les femmes comme toi me semblent avoir toute la sagesse de la nation. » En ces années-là (1797-99) celui qui écrira tout à l’heure le Génie du christianisme est donc encore essentiellement un homme du dix-huitième siècle, et du dix-huitième siècle tout entier : car, si le voyage de Chactas en France est écrit dans l’esprit de Voltaire, presque tout le reste du roman est écrit dans l’esprit de Jean-Jacques, si ce n’est que l’optimisme de l’auteur a de fortes distractions.

Chactas se rembarque donc pour le Canada, fait naufrage, séjourne chez les Esquimaux, puis chez les Sioux qui voudraient le retenir et faire de lui leur chef, arrive enfin chez les Natchez, où il retrouve ses amis Outougamiz, Céluta, Mila, son vieux camarade Adario, et René.

Mais le calme dure peu. Parce que René, ignorant les coutumes, a tué dans une chasse des femelles de castor, les Illinois déclarent la guerre aux Natchez. René