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que René s’est plongé dans les flots du Meschacebé, a respiré l’odeur des sassafras et des liquidambars et est rentré dans sa cabane, Céluta lui prépare un repas et dissimule peu son amour pour le mélancolique jeune homme. Le bon Outougamiz conclut avec lui un pacte d’amitié. Mais le sombre Ondouré, amoureux de Céluta, essaye d’assassiner René et le manque. Les deux hommes luttent corps à corps (« tels, sur les rivages du Nil ou dans les fleuves des Florides, deux crocodiles se disputent au printemps une femelle brillante ») ; et René terrasse son adversaire, qui ne lui pardonnera point.

À ce moment, le jeune Chateaubriand, se souvenant de Milton et de Klopstock et éprouvant le besoin d’être sublime, nous transporte dans le Paradis. L’ange de l’Amérique s’entretient solennellement avec le chérubin Uriel des choses du nouveau monde. Et sainte Geneviève de Paris et sainte Catherine des Bois, patronne du Canada, traversent la région éthérée pour aller trouver la Vierge :

 Elles s’étaient alarmées des malheurs dont Satan menaçait
 l’empire français en Amérique : un même mouvement de charité
 les emportait aux célestes habitacles pour implorer la
 miséricorde de Marie. Tristes autant que des substances
 spirituelles peuvent ressentir notre douleur, elles versaient ces
 larmes intérieures dont Dieu a fait présent à ses élus ;
 elles éprouvaient cette sorte de pitié que l’ange ressent pour
 l’homme, et qui, loin de troubler la pacifique Jérusalem,