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et çà et là ahurissant, entre les révolutions grecques et la Révolution française, et entre les personnages de celle-ci et de celles-là. C’est d’un homme qui a le sentiment de la vie à un prodigieux degré, et qui la retrouve et qui la voit à travers les siècles, et qui, ainsi, comprend le passé par le présent. Et c’est peut-être là le don royal, je ne dis pas de l’érudit, mais de l’historien. C’est, un peu, Pascal parlant de Platon et d’Aristote : « On ne se les imagine qu’avec de grandes robes de pédants. C’étaient des gens honnêtes et, comme les autres, riant avec leurs amis, etc. » C’est aussi, un peu, Renan, dans son Histoire d’Israël, comparant les prophètes à nos journalistes révolutionnaires. Mais le jeune Chateaubriand (il a peut-être reçu de Plutarque cette manie des parallèles) poursuit les analogies dans le détail et en trouve ou en invente tant qu’il veut, et ne tient aucun compte des différences religieuses, économiques ou géographiques ni de l’insuffisance de nos informations sur la vie de l’antiquité. De là des rapprochements d’une amusante extravagance, bien que tout n’y soit pas absurde, et qu’il s’y rencontre des lueurs, et que, souvent aussi, il ne faille sans doute y voir que des satires ou flétrissures détournées des contemporains, par la peinture de leurs « doubles » de jadis. Quelques exemples, pour vous indiquer le ton et le genre d’agrément :

 À la tête des montagnards (à Athènes) on distinguait
 Pisistrate : brave, éloquent, généreux, d’une figure