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misère, la souffrance physique, la maladie à bien des reprises, les approches de la mort, même la faim ; et il venait d’avoir sa première peine d’amour, je crois. Et, plein de tout cela, il se soulageait en écrivant douze ou quinze heures par jour.

À cette époque, la confusion de ses pensées est extrême. En même temps qu’il hait la Révolution qui l’a chassé et dépouillé et qui lui a tué une partie des siens ; en même temps qu’il la voit telle qu’elle fut à l’intérieur, c’est-à-dire atroce et faite par des scélérats qui étaient presque tous des hommes médiocres, la Révolution à l’extérieur l’éblouit par la grandeur inouïe et l’imprévu de son action ; et, — vingt-huit ans plus tard, — après avoir parlé de l’exécution de son frère et de l’emprisonnement de sa mère, il se ressouviendra encore de son éblouissement ; il nous dira « les combats gigantesques de la Vendée et des bords du Rhin ; les trônes croulant au bruit de la marche de nos armées… ; le peuple déterrant les monarques à Saint-Denis et jetant la poussière des rois morts aux visages des rois vivants pour les aveugler ; la nouvelle France, glorieuse de ses nouvelles libertés » (car il paraît y croire encore en 1816), « fière même de ses crimes, stable sur son propre sol tout en reculant ses frontières, doublement armée du glaive du bourreau et de l’épée du soldat ». Certes il est royaliste, mais sans joie et sans amour.

Pareillement, sur la religion, il est divisé contre lui-même.